Bataille du Mont-Guéhenno
Le sort des prisonniers
« Cependant les Bleus voulurent se faire un passage, et soutinrent la charge assez longtemps; mais, enfin, ils furent battus, et les braves gars d'Auray les poursuivirent au-delà du mont et firent plusieurs prisonniers, qui furent tous fusillés, sans excepter l'officier qui les commandait. Celui-ci dit à Cadoudal:
« Ce que je regrette le plus, c'est de nous voir vaincus deux jours de suite par des paysans. »
Cette exécution eut lieu au-dessous du village de Carado, où l'on voit encore des croix en bois, que l'on s'empressa de placer quand on découvrit que l'un des soldats fusillés portait sur lui un crucifix et un petit livre de prières[2]. »
Vers le milieu du XIXe siècle, le recteur de Guéhénno écrivit:
« La troupe républicaine se retira sur Vannes par Portcamus. Toutes les issues étaient gardées et ils ne passèrent pas sans peine. 7 soldats tombèrent sur la lande du Mont et y furent enterrés, 7 près de Toulouau, 2 ou 3 au bas des bois de Portcamus et plusieurs du côté de Tréva. Il paraît qu'on fit plusieurs prisonniers qui furent fusillés au-dessous de Brémelin (village voisin de Carado) dans un pré où l'on voit encore plusieurs petites croix.
Voici, d'après des gens bien informés, l'origine de ces croix. Parmi ceux que l'on fusillait il s'en trouvait un qui demandait grâce en disant « Ne me tuez pas, je suis des vôtres. » Mais comme on avait aucune preuve de sa sincérité, on n'écouta pas sa prière. Après sa mort, on trouva sur lui un livre de messe, et je crois un chapelet. On regretta alors de l'avoir fusillé et l'on mit une croix sur sa tombe. Plus tard on en plaça de même sur toutes les autres[1]. »
« Les Chouans, paraît-il, demandèrent à leur victimes de se confesser avant de mourir. « À qui ? » demanda un soldat. « À un prêtre donc ! » lui fut-il répondu. Il proféra un blasphème et un Chouan lui traversa le ventre d'un coup de sabre.
Quant à l'anecdote du Bleu qui réclamait la vie, en protestant de ses croyances chrétiennes, on dit que c'était un jeune sergent et que s'étant mis à genoux il lisait un livre de prières. Or, ajoutent les crédules paysans, on avait beau tirer sur lui, les balles ne l'atteignaient pas. Un moment cependant il tourna la tête et l'une d'elle le frappa. Il fut inhumé à l'écart de ses compagnons.
Un autre soldat criait et suppliait de l'épargner, en déclarant qu'il avait marché de force et qu'il donnerait pour son rachat tout l'or qu'on exigerait. Il fut tué quand même.
Le peuple breton qui a le respect des tombes et pour lequel la mort efface les divergences d'opinion a planté de nombreuses croix sur les restes de ces soldats qui combattirent ses pères. Chose curieuse, il en a même fait des martyrs auxquels on va demander du secours contre certaines maladies, la fièvre, la diarrhée, la difficulté de marcher. Certains dimanches surtout, il y a là beaucoup de monde. Il va de soi que l'imagination des bonnes gens a peuplé le sinistre pré de revenants, de cierges allumés le soir, de chiens, de lièvres fantastiques[1]. »
Le 9 novembre, l'administrateur de Pontivy écrit:
Bibliographie
- François Cadic, Histoire populaire de la chouannerie, t. II, éditions Terre de Brume, 2003, p. 249-256.
- Julien Guillemot, Lettres à mes neveux sur la Chouannerie, 1859, p.152-153. lire en ligne sur google livres
- Charles-Louis Chassin, Les pacifications dans l'Ouest, t. III, éditions Paul Dupont, 1899, p. 411.