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Vendée Militaire et Grand Ouest
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16 février 2016

Colonnes infernales début

Colonnes infernales
Colonnes infernales

André_Ripoche (1)

André Ripoche, tué en défendant un calvaire lors de l'incendie du Landreau, vitrail de l'église de Sainte-Gemme-la-Plaine par Fournier.

Informations générales
Date 21 janvier - 17 mai 1794
Lieu Vendée militaire
Issue Indécise
Belligérants
France Républicains                                                   Drapeau de l'Armée catholique et royale de Vendée Vendéens        

                                                    Commandants
• Louis Marie Turreau
• Nicolas Haxo †
• Louis Grignon
• Étienne Cordellier
• Jean-Baptiste Huché
• Jean-Pierre Boucret
• Jean Alexandre Caffin
• Florent Duquesnoy
• Louis Bonnaire
• Joseph Crouzat
• Jean-Baptiste Moulin †                   
• Jean Dembarrère
• Alexis Cambray
• Jacques Dutruy
• François Amey
• Antoine Bard
• François Duval
• Maximin Legros
• François-Athanase de Charette
• Henri de La Rochejaquelein †
• Jean-Nicolas Stofflet
• Bernard de Marigny 
• Charles Sapinaud de La Rairie
• Louis-François Ripault de La Cathelinière †                                 
• Jean-Baptiste Joly
Forces en présence
56 000 à 103 000 hommes [1]
(effectifs fluctuants)
6 000 à 30 000 hommes
(effectifs fluctuants)
Pertes
inconnues 20 000 à 50 000 morts
(pertes civiles)
pertes militaires inconnues

Guerre de Vendée

Les colonnes infernales sont les opérations menées par les armées républicaines du général Turreau lors de la guerre de Vendée (1793 - 1796), en France, afin de détruire les dernières troupes vendéennes.

Après l'anéantissement de l'Armée catholique et royale lors de la Virée de Galerne, le général Turreau met au point un plan visant à quadriller la Vendée militaire par douze colonnes incendiaires avec pour ordres d'exterminer tous les « brigands » ayant participé à la révolte, femmes et enfants inclus, de faire évacuer les populations neutres ou patriotes, de saisir les récoltes et les bestiaux et d'incendier les villages et les forêts, de faire enfin de la Vendée un« cimetière national » avant de la faire repeupler par des réfugiés républicains.

De janvier à mai 1794, les colonnes quadrillent les territoires insurgés dans le Maine-et-Loire, la Loire-inférieure, la Vendée et les Deux-Sèvres. Certaines se livrent aux pires exactions, telles qu'incendies, viols, tortures, pillages et massacres des populations, souvent sans distinction d'âge, de sexe ou d'opinion politique. Ces atrocités coûtent la vie à des dizaines de milliers de personnes et valent aux colonnes incendiaires d'être surnommées « colonnes infernales ».

Loin de mettre fin à la guerre, ces exactions provoquent de nouveaux soulèvements des paysans menés par les généraux Charette, Stofflet, Sapinaud et Marigny. Ne parvenant pas à vaincre les insurgés, dénoncé par les patriotes locaux et certains représentants en mission, Turreau finit par perdre la confiance du Comité de Salut Public, sa destitution mettant fin aux colonnes mais pas à la guerre.

 

Sommaire

   
  • 1 Planification de l'« anéantissement de la Vendée »
  • 2 Les colonnes de Turreau
    • 2.1 Rejet du plan de Kléber
    • 2.2 Plan de Turreau
    • 2.3 Application
    • 2.4 Intervention de la Convention
    • 2.5 Les représentants en mission
    • 2.6 Rappel de Turreau
  • 3 L'armée républicaine
    • 3.1 Les soldats
    • 3.2 Effectifs
  • 4 La Terreur dans l'Ouest
  • 5 Parcours des colonnes infernales
    • 5.1 Parcours de la première et de la seconde colonne
    • 5.2 Parcours de la troisième colonne
    • 5.3 Parcours de la quatrième colonne
    • 5.4 Parcours de la cinquième colonne
    • 5.5 Parcours de la sixième colonne
    • 5.6 Parcours de la septième colonne
    • 5.7 Parcours de la huitième colonne
    • 5.8 Parcours de la neuvième colonne
    • 5.9 Parcours de la dixième colonne
    • 5.10 Parcours de la onzième colonne
    • 5.11 Parcours de la division Huché
    • 5.12 Autres massacres
  • 6 Actions des forces vendéennes
    • 6.1 L'Armée du Bas-Poitou et du Pays de Retz
    • 6.2 L'Armée d'Anjou et du Haut-Poitou
    • 6.3 Tentative d'union des armées vendéennes
  • 7 Les réfugiés
  • 8 Fin des colonnes infernales
  • 9 Bilan
    • 9.1 Butin
    • 9.2 Historiographie
      • 9.2.1 Historiens « bleus » et historiens « blancs »
      • 9.2.2 Sous la Troisième République
      • 9.2.3 Débats récents
    • 9.3 Bilan humain
    • 9.4 Notes
    • 9.5 Références
  • 10 Annexes
    • 10.1 Articles connexes
    • 10.2 Liens externes
    • 10.3 Bibliographie

 

Planification de l'« anéantissement de la Vendée »


La guerre de Vendée débute en mars 1793. Dans un premier temps, les insurgés vendéens de l'armée catholique et royale remportent une série de victoires durant le printemps : les villes de Thouars, Fontenay-le-Comte, Saumur et Angers sont prises. Cependant, les Vendéens échouent fin juin devant Nantes tandis que les villes conquises sont progressivement abandonnées. Les Républicains repassent alors à l'offensive. Début juillet une petite armée remporte plusieurs succès et pénètre au cœur du territoire insurgé mais est rapidement écrasée à Châtillon, lors d'une contre-attaque. Les autres offensives républicaines sont contenues et aucun des deux camps ne prend l'avantage durant l'été[2].

À Paris, alors que la République subit les offensives des armées de la Coalition, les révolutionnaires sont excédés par ce « coup de poignard dans le dos ». Le 26 juillet 1793, à la Convention nationale, Barère réclame la destruction de la Vendée et l'extermination des insurgés[Note 1],[3],[4].

Le 1er août, la Convention nationale décrète l'anéantissement de la Vendée :

Les autres articles concernent les mesures à prendre sur l'organisation des troupes.

Le 9 août 1793, la Convention décide de l'envoi en Vendée de l'armée de Mayence, considérée comme étant l'une des meilleures de la République[6]. En septembre, les Républicains lancent une grande offensive, et si, à l'est, les généraux sans-culottes sont repoussés, au nord les Mayençais remportent des succès et semblent inarrêtables. Les décrets incendiaires de la Convention sont appliqués et plusieurs massacres sont commis[7]. Le général Jean Antoine Rossignol, général en chef de l'armée des côtes de La Rochelle se vante d'avoir semé la terreur mais fait épargner les femmes et les enfants[Note 2],[8].

Mais les Vendéens se rassemblent et battent les Mayençais à la bataille de Tiffauges le 18 septembre 1793, plusieurs autres victoires suivent. À Paris c'est la stupeur et les conventionnels sont excédés[9]. La Convention nationale adopte un second décret le 1er octobre et les troupes sont réorganisées : l'armée de Mayence, l'armée des côtes de La Rochelle et une partie de l'armée des côtes de Brest sont dissoutes pour former l'armée de l'Ouest. Les généraux nobles sont destitués[10]. Les Conventionnels exigent la victoire avant le 20 octobre[Note 3],[11].

Les Républicains ré-attaquent et le 16 octobre 1793, ils remportent une victoire décisive à la bataille de Cholet. Vaincus, les Vendéens au nombre de 60 000 à 100 000[12], femmes et enfants inclus, traversent la Loire afin d'obtenir des secours des Britanniques, des Émigrés et des Chouans. C'est le début de la « Virée de Galerne ». L'armée de l'Ouest se lance alors à la poursuite des Vendéens, et si quelques troupes continuent de combattre en Vendée, l'essentiel de la guerre se porte au nord de la Loire, dans le Maine et la Haute-Bretagne. De ce fait, l'application du plan d'incendie et d'extermination est suspendue[13]. Seule l'armée du Marais commandée par Charette et quelques troupes de moindre importance continuent de combattre en Vendée contre la division du général Haxo.

Le 7 novembre 1793, à l'Assemblée nationale, le département de la Vendée est rebaptisé « Vengé » sur proposition de Antoine Merlin de Thionville, qui demande en outre à faire repeupler le département par des réfugiés patriotes de France et d'Allemagne[14]. Fayau, député de la Vendée, renchérit et réclame l'envoi d'une armée incendiaire[Note 4],[15].

Le 11 décembre, le représentant Jean-Baptiste Carrier, investi des pleins pouvoirs en Loire-inférieure ordonne aux généraux Haxo et Dutruy d'exécuter aussi bien les femmes que les hommes[Note 5],[16],[17]. Le 12 décembre, Carrier annonce à Haxo son intention d'affamer les Vendéens [Note 6],[18].

De nombreuses propositions sont faites par des Républicains pour détruire les Vendéens : le général Westermann propose d'abandonner aux Vendéens une voiture d'eau-de-vie, empoisonnée par de l'arsenic. L'idée est refusée, probablement par peur que les soldats républicains n'en boivent en cachette. Le 22 août, le général Santerre propose l'utilisation de mines au ministre de la guerre[19],[Note 7],[20].

Une expérience est tentée par le pharmacien Joachim Proust qui conçoit une boule remplie « d'un levain propre à rendre mortel l'air de toute une contrée »[21],[Note 8],[22].

Finalement, fin décembre 1793, au nord de la Loire, les Vendéens et les Chouans sont écrasés aux batailles du Mans et de Savenay par les troupes républicaines des généraux Kléber et Marceau. Seuls 4 000[23] des 60 000 à 100 000 participants de la Virée de Galerne parviennent à regagner la Vendée. 50 000[24] à 70 000[25] ont été tués et des milliers d'autres sont faits prisonniers.

Seul Charette qui n'a pas pris part à la Virée de Galerne continue de combattre en Vendée mais il n'a plus que quelques centaines d'hommes dans les marais de Retz. Ailleurs, quelques groupes dispersés de soldats vendéens continuent d'errer dans les campagnes et la répression frappe les départements insurgés.

Les colonnes de Turreau

Le 27 novembre 1793, le général Louis Marie Turreau est nommé à la tête de l'armée de l'Ouest, cependant cette promotion lui déplaît et il tarde à gagner son poste. Ce sont finalement les généraux Marceau, Kléber et Westermann qui triomphent des Vendéens lors de la Virée de Galerne.

Le 30 décembre à Nantes, François Séverin Marceau passe son commandement de général en chef de l'armée de l'Ouest, dont il n'assurait que l'intérim, au général Turreau[26]. Après un bref passage dans l'armée des côtes de Brest, Marceau quitte l'Ouest pour aller combattre la coalition aux frontières.

Turreau doit donc finir la guerre de Vendée ; il est proche des Hébertistes[27] et les Mayençais lui sont hostiles[28]. Il a le choix entre deux méthodes : la pacification, éventuellement musclée, et la répression violente. Le 19 décembre il propose un plan d'amnistie au Comité de salut public sur les conseils du général Jean-François Moulin[29],[Note 9] N'ayant pas de réponse, il prépare un nouveau plan, en application stricte des décrets de la Convention.

Le 7 janvier 1794, Kléber soumet un plan au général Turreau. Selon lui, les forces vendéennes ne sont plus dangereuses et il estime leur effectif à 6 200 hommes en tout, alors que les Républicains disposent de 28 000 soldats opérationnels[30]. Il propose de protéger les côtes des Anglais, d'encercler et de quadriller le territoire insurgé en utilisant des camps fortifiés comme points d'appui, de gagner la confiance des habitants et enfin de n'attaquer que les rassemblements des rebelles[31],[32]. Mais ce plan est rejeté par Turreau, sans doute par opposition personnelle[31]. Kléber obtient l'approbation des représentants Carrier et Gilet mais ceux-ci refusent d'agir[33]. Kléber est finalement muté le 9 janvier à l'armée des côtes de Brest.

Le 16 janvier, Turreau demande des ordres clairs sur le sort des femmes et des enfants ; à ce titre, il écrit aux représentants Francastel, Bourbotte et Louis Turreau, son cousin[31] :

La lettre de Turreau reste sans réponse[31] cependant. Bourbotte et Turreau se déclarent malades et demandent leurs rappels, néanmoins le général prévoit, à l'aide de douze colonnes avançant parallèlement, de parcourir le pays rebelle, d'est en ouest, pour traquer les insurgés, et détruire leurs biens, de Brissac au nord, à Saint-Maixent au sud.

Le plan de Turreau entre en application le 21 janvier. Il a à sa disposition six divisions à l'est de la Vendée, chacune étant divisée en deux colonnes. Un des problèmes des troupes républicaines pendant la guerre de Vendée ayant été la coordination, il donne à tous des lieux de rendez-vous précis, avec date à tenir. Les itinéraires sont indiqués commune par commune. Les chefs de colonnes doivent correspondre entre eux et avec le général en chef deux fois par jour pour garder une bonne coordination. Il faut aussi éviter le combat, sauf en cas de victoire certaine et utiliser tous les moyens pour dénicher les rebelles, brûler tout ce qui peut brûler, réquisitionner tous les vivres. Treize communes stratégiques sont toutefois exemptées : Saint-Florent, Luçon, Montaigu, La Châtaigneraie, Sainte-Hermine, Machecoul, Challans, Chantonnay, Saint-Vincent-Sterlanges, Cholet, Bressuire, Argenton et Fontenay-le-Comte[34].

En complément, Turreau charge le général Haxo, qui poursuivait jusqu'alors Charette sur les côtes ouest de la Vendée, de former huit colonnes, chacune forte de quelques centaines d'hommes qui parcourent la Vendée d'ouest en est, allant à la rencontre des douze autres[39]. Ces colonnes doivent occuper les principales villes pour le 26 janvier afin de refouler l'armée de Charette vers les colonnes de Turreau[40] :

D'autres troupes tiennent garnison dans les villes qui entourent la Vendée militaire. Le général Vimeux occupe Les Sables-d'Olonne, Legros dirige les troupes à Saint-Florent-le-Vieil, Bard occupe Chantonnay et ses environs avec 2 500 hommes, Huché dirige la place de Luçon, Commaire commande Saumur, Amey, Les Herbiers et Carpantier, Doué-la-Fontaine[41],[42].

Le 19 janvier 1794, Turreau envoie à ses généraux les instructions suivantes :

« Instruction relative à l'exécution des ordres donnés par le général en chef de l'armée de l'Ouest, contre les brigands de la Vendée, (30 nivôse an II) :
Il sera commandé journellement et à tour de rôle un piquet de cinquante hommes pourvu de ses officiers et sous-officiers, lequel sera destiné à escorter les prisonniers, et leur fera faire leur devoir. L'officier commandant ce piquet prendra tous les jours l'ordre du général avant le départ, et sera responsable envers lui de son exécution; à cet effet il agira militairement avec ceux des prisonniers qui feindraient de ne point exécuter ce qu'il leur commanderait, et les passera au fil de la baïonnette.
Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises pour se révolter contre leur patrie, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées, mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l'ait préalablement ordonné.
Tous les villages, métairies, bois, genêts et généralement, tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes, après cependant que l'on aura distrait des lieux qui en seront susceptibles, toutes les denrées qui y existeront ; mais, on le répète, ces exécutions ne pourront avoir leur effet que quand le général l'aura ordonné. Le général désignera ceux des objets qui doivent être préservés de l'incendie.
Il ne sera fait aucun mal aux hommes, femmes et enfants en qui le général reconnaîtra des sentiments civiques, et qui n'auront pas participé aux révoltes des brigands de la Vendée ; il leur sera libre d'aller sur les derrière de l'armée, pour y chercher un asile, ou de résider dans les lieux préservés de l'incendie. Toute espèce d'arme leur sera cependant ôtée, pour être déposée dans l'endroit qui sera indiqué par le général[43]. »

Le territoire de la Vendée militaire comporte 735 communes, peuplées au début de la guerre de 755 000 habitants[44].

Dans un premier temps, son plan doit être exécuté pour début février mais des petits groupes de Vendéens s'infiltrent dans le bocage, entre les colonnes. Des groupes plus importants, suffisamment pour ne pas être inquiétés par les effectifs des Bleus, se constituent. Il demande donc au Comité de Salut public de préparer les indemnisations pour ceux qui seront évacués, afin de vider le pays de sa population et de combattre plus facilement les insurgés[45].

Les colonnes massacrent, violent et pillent. Elles sont bientôt surnommées « colonnes infernales » ; dans ses mémoires, le chef vendéen Bertrand Poirier de Beauvais écrit qu'elles étaient appelées ainsi par les Républicains eux-même[46]. Celles placées sous les ordres des généraux Cordellier et Grignon commettent les pires exactions, massacrant les populations sans distinction d'âge, de sexe ou d'opinion politique tandis que le général Moulin fait évacuer scrupuleusement les habitants jugés patriotes[31]. Haxo, le lieutenant de Turreau, constitue ses huit colonnes, mais leur assigne comme objectif la capture de Charette ; il ne fait commettre aucun acte de barbarie à ses hommes[47], épargnant même la gentilhommière de Charette à Fonteclose. Les bourgs traversés par les troupes de Turreau sont constamment incendiés, mais la campagne se déroulant en hiver, des bâtiments échappent souvent aux incendies et les soldats ont le plus grand mal à mettre le feu aux forêts et aux genêts[48]. Les colonnes sont surtout actives lors des deux premiers mois. Dès février, les embuscades vendéennes ralentissent énormément les colonnes qui sont parfois réduites à l'immobilisme.

À trois reprises, Turreau demande à la Convention nationale l'approbation de son plan[49]. Mais les membres des Comités et de la Convention ne sont pas unanimes, et le général Turreau ne reçoit aucune réponse avant le 8 février, jour où Lazare Carnot, dont l'opinion est partagée par Robespierre[50], lui écrit qu'aux yeux du Comité ses mesures « paraissent bonnes et ses intentions pures » et que, de fait, sa mission est d'exterminer les brigands jusqu'au dernier et de faire désarmer le pays insurgé[Note 10],[51],[52].

Dès le 23 janvier, le représentant Laignelot dénonce à la Convention les massacres commis dans les environs de Challans par les troupes du général Haxo, mais sa lettre ne provoque aucune réaction[53]. Cependant la défaite des colonnes de Moulin et Caffin, le 8 février, lors de la troisième bataille de Cholet retentit jusqu'à Paris et provoque la stupeur de la Convention. Le 10 février, Couthon réclame l'application du décret de désarmement de la Vendée[54]. Puis le 11 février, de Tours, l'agent spécial du Comité de salut public, Marc Antoine Jullien, ami de Robespierre, révèle les exactions des troupes de Turreau contre les patriotes vendéens, il accuse les généraux de s'enrichir par le pillage au lieu d'affronter les brigands[Note 11],[55].

Le 12 février 1794, Barère fait un rapport à la Convention nationale dans lequel il désapprouve la conduite des opérations menées par Turreau ; il dénonce une « barbare et exagérée exécution des décrets » et reproche au général d'avoir incendié des villages paisibles et patriotes au lieu de traquer des insurgés[Note 12],[56].

Le même jour, le Comité de Salut Public charge les représentants Francastel, Hentz et Garrau d'enquêter auprès de Turreau et de prendre les mesures nécessaires pour que la guerre soit terminée dans les quinze jours à venir. Ceux-ci rencontrent le général à Angers le 19 février ; ce dernier leur fait bonne impression[57]. Turreau prétend avoir été trompé sur les forces réelles des Vendéens et son plan reçoit le soutien des représentants[58] qui eux-mêmes sont soutenus par le comité, qui juge les représentants les mieux placés pour apprécier les mesures à prendre sur place[49],[Note 13],[59]

Le 13 février, Carnot envoie un nouveau courrier à Turreau, dans lequel il le somme de « réparer ses fautes », de mettre fin à sa tactique de dissémination des troupes, d'attaquer en masse et d'exterminer les rebelles enfin[60]. « Il faut tuer les brigands et non pas brûler les fermes » explique-t-il, ajoutant pour finir que la guerre doit être terminée dans les plus brefs délais[61]. En outre le Comité envoie le général Jean Dembarrère en Vendée pour seconder Turreau mais son arrivée est sans conséquence[Note 14],[62].

Ne se sentant pas soutenu, Turreau propose à deux reprises sa démission, le 31 janvier et le 18 février, mais elle est refusée malgré les dénonciations des administrateurs départementaux[63]. Il cherche alors à rassurer la Convention en transformant de petits succès en grandes victoires et en dénonçant les rapports alarmistes des Républicains locaux[64].

Le 20 février, les représentants Hentz, Garrau et Francastel donnent l'ordre aux habitants de la Vendée et aux réfugiés de quitter le territoire insurgé et s'en éloigner de plus de vingt lieues sous peine d'être considérés comme rebelles et traités comme tels[65]. Ces mesures provoquent l'hostilité des patriotes vendéens et plusieurs d'entre eux refusent d'obéir[66].

Le 25 février, Hentz et Francastel expliquent que « son but est de ne plus laisser dans le pays révolté que les rebelles, que l'on pourra plus aisément détruire, et sans confondre avec eux des innocents et des bons citoyens[67]. »

Selon leur rapport, déposé en septembre 1794, les représentants Hentz et Francastel déclarent refuser toute idée d'amnistie et évoquent comme plan : « le système avancé par les Conventionnels qu'il n'y aurait de moyen de ramener le calme dans ce pays qu'en en faisant sortir tout ce qui n'était pas coupable et acharné, en en exterminant le reste et en le repeuplant le plus tôt possible de républicains[68]. »

Mais la guerre s'éternise et, début mars, Turreau reçoit l'ordre de concentrer ses forces sur les côtes. Malgré ses protestations, les postes isolés doivent être abandonnés[69]. À la demande des représentants, les douze colonnes sont reformées en quatre colonnes de taille plus importante[70]. Le 10 mars, il modère ses injonctions de destructions et donne l'ordre de cesser les incendies des maisons et métairies jusqu'à nouvel ordre[71]. Mais les représentants s'impatientent, et, le même jour, Francastel et Hentz somment Turreau de terminer la guerre avant huit jours[72].

Le 9 mars, devant la Convention, Carrier pourtant auparavant proche de Marceau et Kléber, et ayant approuvé le plan de ce dernier en janvier[73], prend position en faveur de la politique de Turreau[50].

De son côté, au nord de la Loire, Jean Antoine Rossignol, général de l'Armée des côtes de Brest, aux prises avec les Chouans demande à ce que le décret sur la Vendée soit également appliqué aux communes insurgées au nord du fleuve. Cette demande formulée le 19 avril, et à laquelle s'oppose le général Kléber, est cependant sans suites[Note 15],[74].

Le 1er avril, Joseph Lequinio présente un nouveau rapport devant le Comité de Salut Public. Il juge indispensable de faire exécuter les prisonniers de guerre vendéens pris les armes à la main, et souhaite même que cette mesure soit également appliquée aux soldats de la coalition, cependant il estime que la population de la Vendée est encore trop nombreuse pour être exterminée, et finalement désapprouve les massacres des civils et accuse lui aussi les militaires de profiter de la guerre pour s'enrichir par le pillage au lieu de combattre les rebelles[75],[Note 16],[76].

Peu après, pour la première fois, une délégation de Républicains vendéens est reçue à Paris. Menée par Chapelain et Tillier, elle réclame la fin des incendies et la distinction entre le pays fidèle et le pays insurgé. Arrivés dans l'ouest en mars, les représentants en mission — Mathieu Guezno et Jean-Nicolas Topsent — demandent le départ de Turreau. Le 6 avril, une déclaration solennelle du Comité de salut public signée par Carnot, Barère, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois exige la victoire imminente[77].

Le 9 avril, Turreau écrit aux représentants Hentz et Garrau :

« La Convention m'ordonne d'en finir avec la Vendée, et un mois m'est assigné pour cette grande besogne. Ce terme est trop court ; car si les Brigands le veulent il ne me sera pas possible de les joindre. Ils ont des forêts pour asile, des herbes pour nourriture, de la poudre et des armes qu'ils ont enlevées à nos convois. Ils ont repoussé nos propositions de conciliation ; ces hommes-là sont indomptables. C'est du temps et de la persévérance dans nos moyens d'action qu'il faut espérer quelque résultat ; mais si la République désire anéantir tout d'un coup ces féroces paysans qui ont détruit nos plus belles armées, tué nos meilleurs généraux, eh bien ! Il faut prendre de grandes mesures, il faut exterminer tous les hommes qui ont pris les armes, et frapper avec eux leurs pères, leurs femmes, leurs sœurs et leurs enfants. La Vendée doit n'être qu'un grand cimetière national ; il faut expulser de son territoire les Royalistes non armés, les Patriotes tièdes, etc., et couvrir ce pays du plus pur de la Nation. Repeuplez-le de bons Sans-Culottes ; qu'ils y viennent attirés par l'amour de la patrie et surtout par l'espérance de voir répartir entre eux les biens de tous ces ennemis de la République. Propriétaires aujourd'hui, les nouveaux habitants seront soldats demain. Demain ne faudra-t-il pas qu'ils défendent leurs terres? Ils traceront avec le sang une ligne de démarcation entre eux et les paysans, et la patrie sera sauvée[78]. »

Après quelques hésitations, le 10 avril, dans une lettre au comité, Hentz et Francastel déclarent conserver leur confiance envers Turreau[79]. Le 12 avril, une partie des troupes de l'armée de l'Ouest sont retirées à Turreau pour aller combattre la coalition aux frontières. Pour le Comité de Salut Public, la guerre de Vendée passe au second plan. Turreau modifie alors ses plans, il met fin aux colonnes et fait construire des camps retranchés[80]. Mais le mois d'avril n'est aucunement décisif et Turreau est finalement suspendu le 13 mai 1794[81].

Cependant si le Comité de Salut public a désapprouvé le massacre des patriotes de Vendée[82], celui-ci a laissé faire les tueries des vieillards, des femmes et des enfants des rebelles. De même, jamais les républicains vendéens ne dénoncent les ravages commis à l'encontre des civils royalistes[83]. Le 23 juillet 1794, Lazare Carnot dans une lettre écrite au nom du Comité de Salut public adressée aux représentants du peuple à Niort, refuse d'intervenir en leur faveur[Note 17],[84]

L'armée républicaine

— Dubois-Crancé

En 1791, 10 000 hommes sont détachés de la garde nationale pour former le noyau de la nouvelle armée révolutionnaire. Ces jeunes volontaires de 1791 sont alors animés par un véritable patriotisme et un grand engouement révolutionnaire[86]. Le 20 avril 1792, les guerres de la Révolution française débutent et, le 11 juillet, la patrie est déclarée en danger ; les premières levées sont opérées. Mais nombres des nouveaux conscrits n'ont pas l'exaltation révolutionnaire de leurs prédécesseurs et s'engagent avant tout pour toucher la solde[87]. Suite à ces levées, les volontaires dépassent largement en nombre les « habits blancs » de l'ancienne armée royale. Cependant, l'armée républicaine n'a aucune discipline[88], et au combat les soldats prennent facilement la fuite[89] alors que d'autres, enrôlés par la réquisition, désertent à la première occasion tandis que les autorités ne cherchent qu'à compenser la mauvaise qualité par la quantité[90]. Quelques bataillons se distinguent toutefois par leur ardeur[91]. Cependant l'esprit a totalement changé depuis 1791 et les soldats manquent de tout, sont mal équipés, mal nourris et commettent fréquemment vols et viols[92].

L'amalgame entre les volontaires et les troupes de ligne de l'ancienne armée royale est alors décidée[93]. Mais au printemps 1793, on observe au sein de l'armée une radicalisation des esprits[94]. La lutte entre Girondins et Montagnards provoque de vives tensions[95]. Les soldats vivent dans la hantise d'une trahison et parfois refusent d'obéir aux ordres de leurs officiers. Ceux qui s'avisent de réprimander ou de punir un soldat sont menacés par leurs hommes d'être dénoncés comme « aristocrate »[89]. Les Hébertistes exercent une véritable propagande et s'emploient à répandre l'esprit sans-culotte au sein de l'armée[93]. Dans l'armée du Nord, le Journal de la Montagne et Le Père Duchesne sont distribués aux soldats et radicalisent l'esprit de la troupe[96]. Le 12 novembre, 10 000 soldats de l'armée du Nord sont envoyés en Vendée sous les ordres du général Duquesnoy[97] ; ces soldats qui forment notamment la colonne de Cordellier, se révèlent être parmi les plus violents[98].

De plus, le blé et le pain manquent à Paris et les paysans vendéens sont bientôt dénoncés comme accapareurs[96]. L'idée germe alors dans l'esprit des révolutionnaires, y compris Danton et Robespierre, de créer une garde populaire, composée non pas de levées mais de vrais sans-culottes chargés de combattre les ennemis de l'intérieur. En mars 1793, le brasseur Santerre lève des bataillons de volontaires pour aller combattre les Vendéens. Ces combattants, surnommés les « Héros à cinq cent livres » en raison de la solde élevée qu'ils touchent, sont envoyés en Vendée. Cependant, s'ils pillent allègrement, leur valeur militaire est nulle et ils sont presque systématiquement battus lors des combats[99]. Ces troupes sont raillées par les soldats d'élite de l'armée de Mayence alors que l'attitude des Mayençais dans le territoire insurgé n'est pas moins violente que celle des sans-culottes parisiens[100].

Animés par les écrits de Jacques-René Hébert, les échecs de l'armée décuplent la haine des soldats républicains contre leurs ennemis[101]. Mais les récits de tortures et actes de vengeance sur des soldats isolés provoquent également la peur. Le 2 février 1794, Dubois-Crancé écrit que : « Comme cette guerre est cruelle et qu'on ne fait pas de prisonniers de part et d'autre, nos soldats ont peur des brigands comme les enfants craignent les chiens enragés[102]. »

En 1794, l'armée chargée d'affronter les Vendéens est l'armée de l'Ouest, le général de division Turreau est son commandant en chef. Les principaux généraux ou adjudant-généraux ayant servi dans une colonne infernale sont : Amey, Aubertin, Bard, Blammont, Bonnaire, Boucret, Boussard, Carpentier, Colette, Cordellier, Commaire, Cortez, Crouzat, Delaage, Dufour, Dufraisse, Dusquenoy, Dutruy, Duval, Ferrant, Grammont, Grignon, Guillaume, Huché, Liébaut et Rademacher[58]. L'armée est très indisciplinée et chaque général interprète librement les ordres reçus[103].

L'Armée de l'Ouest est divisée en quatre divisions, la première est commandée par Cordellier, la seconde par Haxo, la troisième par Grignon et la dernière par Huché. Le chef d'état-major est le général Robert[104].

Les effectifs de l'armée sont très fluctuants selon les travaux du lieutenant-colonel de Malleray, établis en 1914[1] :

Selon les travaux de Pierre Constant, datant de 1992, les effectifs se répartissent ainsi[1] :

Cependant, ces effectifs sont théoriques et seuls 56 à 73 % des soldats sont présents à l'appel. 20 à 25 % sont enregistrés dans les hôpitaux comme blessés ou malades. Les autres absents correspondent aux soldats démobilisés et enregistrés par erreur, aux déserteurs et aux hommes tués[1].

Le nombre de soldats républicains tués durant les colonnes infernales n'est pas connu. 25 000 à 50 000, et plus probablement autour de 30 000, sont tués pendant les trois années que dure la guerre de Vendée, de mars 1793 à mars 1796[105].

La Terreur dans l'Ouest

Parallèlement aux colonnes infernales, la Terreur est appliquée dans les places fortes républicaines où sont détenus des milliers de prisonniers, Vendéens, mais aussi Chouans, Fédéralistes, Modérés et autres suspects. Les soldats des colonnes infernales participent parfois à certaines des exécutions. La Loire-inférieure et le Maine-et-Loire sont les deux départements français où la Terreur fait le plus de victimes[106].

En Loire-inférieure, à Nantes, dirigée par le représentant Jean-Baptiste Carrier, 8 000 à 11 000 prisonniers[107], hommes, femmes et enfants, sur 12 000 à 13 000[108] périssent par toutes sortes de moyens. Ainsi, les noyades de Nantes, du 16 décembre 1793 au 27 février 1794, font 1 800 à 9 000 morts[109], probablement 4 000[110] à 4 860[111] morts. Les fusillades de Nantes font 2 600[112] à 3 600[113] victimes. La guillotine, installée place du Bouffay, fait 144 morts[114], dont 24 artisans et laboureurs exécutés le 17 décembre 1793, avec parmi eux : 4 enfants de 13 à 14 ans. La guillotine fait ensuite 27 victimes le 19 décembre dont 7 femmes parmi lesquelles les sœurs La Métayrie, âgées de 17 à 28 ans[115]. De plus, une épidémie de typhus dans les prisons de Nantes fait 3 000 morts[116],[117],[118],[119]. En outre, à Paimbœuf, 162 personnes sont emprisonnées, parmi lesquelles 103 sont fusillées ou guillotinées[120].

La répression est également sanglante dans le Maine-et-Loire, dirigé par les représentants Nicolas Hentz et Adrien Francastel. À Angers même, 290 prisonniers sont fusillés ou guillotinés et 1 020 meurent en prison par les épidémies[121]. Une tannerie de peau humaine est établie, 32 personnes sont écorchées pour faire des culottes de cavalerie[122]. Environ 12 fusillades se déroulent de fin novembre 1793 à la mi-janvier 1794 aux Ponts-de-Cé, elles font 1 500 à 1 600 morts[120]. D'autres noyades font entre 12 et plusieurs dizaines de victimes[120]. Les fusillades d'Avrillé, au nombre de neuf, du 12 janvier 1794 au 16 avril 1794, font 900 à 3 000 morts, les estimations les plus probables vont de 1 200 à 1 994[123]. À Saumur, 1 700 à 1 800 personnes sont emprisonnées, 950 sont exécutés par les fusillades ou la guillotine, 500 à 600 périssent en prison ou meurent d'épuisement[124]. À Doué-la-Fontaine, du 30 novembre 1793 au 22 janvier 1794, 1 200 personnes sont emprisonnées, 350 à 370 sont exécutées et 184 meurent en prison[125].

De plus, 800 femmes sont emprisonnées à Montreuil-Bellay où 200 d'entre elles meurent de maladie, 300 sont transférées à Blois ou Chartes où elles disparaissent pour la plupart[108]. Près 600 à 700 vendéens capturés lors de la Virée de Galerne sont évacués vers Bourges où seule une centaine d'entre eux survivent[126]. Des milliers d'autres prisonniers sont encore passés par les armes lors des fusillades du Marillais et de Sainte-Gemmes-sur-Loire[127].

Au total, dans le Maine-et-Loire, ce sont 11 000 à 15 000 personnes, hommes, femmes et enfants, qui sont emprisonnées, parmi celles-ci 6 500 à 7 000 sont fusillées ou guillotinées, 2 000 à 2 200 meurent dans les prisons[121].

La Vendée et les Deux-Sèvres sont moins touchées mais la répression reste sévère. À Niort, 500 à 1 000 personnes sont emprisonnées, 107 sont jugées, et 70 à 80 sont fusillées ou guillotinées, 200 meurent des maladies[128]. À Fontenay-le-Comte, dirigée par le représentant Joseph Lequinio, 332 prisonniers sont jugés, 196 sont exécutés sur ordre de la commission militaire, une quarantaine d'autres sur celui du tribunal révolutionnaire[125]. Après la reprise de l'Île de Noirmoutier par les Républicains, 1 300 personnes y sont emprisonnées durant l'année 1794. Plusieurs prisonniers meurent en prison ou sont fusillés, au nombre de 128 officiellement, peut-être 400 victimes en réalité[129]. 105 prisonniers périssent dans les prisons des Sables-d'Olonne, d'avril 1793 à avril 1794, 127 prisonniers sont exécutés contre 132 acquittés, dont une vingtaine par la guillotine, 30 femmes sont également jugées et une vingtaine guillotinées le 24 juin 1794[130]. Enfin, 750 à 800 prisonniers vendéens sont envoyés à La Rochelle, quelques dizaines sont exécutés mais 510 meurent des épidémies[131].

Parcours des colonnes infernales

Les différents parcours des colonnes infernales ne sont pas connus avec précision ; tous les généraux ne correspondent pas avec la même régularité et leurs actions sont parfois inconnues sur de longues périodes. Quelques témoignages de républicains ou de survivants vendéens sont cependant connus, de même que des récits rapportés par la tradition orale[132]. La plupart des documents sont rédigés par des patriotes dénonçant les violences mais sont rédigés après la chute de Robespierre afin d'accabler les partisans de la Terreur[133].

Les deux colonnes de la première division agissent ensemble. Cette troupe traverse de nombreuses communes républicaines et commet peu d'exactions[35]. Malade, le général Duval en confie le commandement à l'adjudant-général Prévignaud. Le 19 janvier, la division part de Saint-Maixent et atteint Secondigny. Trois jours plus tard elle est signalée à Mazières. Le 25 janvier, les colonnes arrivent à La Chapelle-Saint-Etienne qui n'est pas incendié. Le lendemain, elles passent par La Chataigneraie et se portent sur Vouvant qui est livré aux flammes. Le 27 janvier, les troupes campent à La Caillère. Quinze vendéens y sont faits prisonniers les armes à la main puis sont fusillés[35]. Le lendemain, les Républicains assiègent le château de Saint-Sulpice-en-Pareds et 18 prisonniers vendéens sont fusillés[35]. Le 30 janvier, les colonnes arrivent à Bazoges-en-Pareds où Prévignaud reçoit l'ordre de Turreau de gagner Pouzauges pour renforcer le général Grignon[134].

La troisième colonne est commandée par le général de brigade Louis Grignon. Dès le 19 janvier, la colonne pille Saint-Clémentin, La Coudre et Sanzay, puis le 21, elle atteint Argenton-Château. Dans son mémoire Joseph Lequinio rapporte le témoignage d'Aug. Chauvin, membre du comité de surveillance de la commune de Bressuire  :

Le 22 janvier, après une incursion à Étusson, qui est incendié et dont les habitants sont massacrés, Grignon ravage Voultegon et détruit Saint-Aubin-du-Plain. Dans cette dernière paroisse, 79 personnes sont massacrées ; selon la tradition, elles sont conduites au champ de Mille-Hérons où elles doivent creuser leurs propres tombes[136]. Toujours selon Lequinio, Grignon a fait tuer la municipalité et les patriotes car un devant d'autel noir et blanc, découvert dans le clocher de l'église, est pris pour un drapeau de l'armée vendéenne[135]. Le 24 janvier, la colonne est à Bressuire. Chauvin rapporte encore :

Grignon écrit alors à Turreau : « nous en tuons plus de cent par jour. » Il se sépare de son second, l'adjudant-général Lachenay et se dirige sur Cerizay. Le 26 janvier il épargne le bourg de Cerizay, qui dispose d'une garde nationale mais les fermes et les villages de la commune sont mis à feu et à sang. Grignon se vante d'y avoir fait exécuter 300 rebelles. La Pommeraie-sur-Sèvre est également dévastée et sa garde nationale désarmée[138],[139]. Le lendemain, la colonne arrive à Châteaumur, où Grignon fait exécuter 10 personnes[138].

Le 28 janvier, un massacre important, d'hommes, de femmes et d'enfants, a lieu à La Flocellière[138]. Le lendemain, la colonne se rend au Boupère, Grignon hésite à ordonner le massacre des habitants, mais il se contente de faire désarmer les 150 gardes nationaux de la commune et fait exécuter 19 prisonniers[140]. Le 30 janvier, dans la petite ville de Pouzauges, 30 prisonnières sont violées par les officiers de la colonne avant d'être fusillées près du donjon du château[138]. La ville est incendiée et plus de 50 personnes sont encore fusillées dans le château de Pouzauges[140].

Enfin, le 31 janvier, Grignon rejoint le général Amey aux Herbiers. Au château du Boistissandeau, une femme de 84 ans et ses deux filles sont sabrées par cinq hussards[138]. Lequinio signale que tous les villages entre La Flocellière et Les Herbiers ont été incendiés, y compris les fourrages et les grains qui devaient être saisis. Mariteau, maire de Fontenay-le-Comte écrit dans son procès-verbal :

« Le général Grignon arrive avec sa colonne dans Les Herbiers. Nous allâmes le trouver pour conférer avec lui ; nous lui fîmes observer que la loi défendait expressément de brûler les grains et les fourrages. Nous l'engageâmes à les ménager pour les opérations ultérieures. Il nous dit que les ordres étaient tels, mais qu'ils n'étaient pas exécutés. Il ajouta, quant aux Herbiers, que nous étions heureux que son collègue Amey y fut, que sans cela tous les habitants sans distinction de patriotes ou autrement auraient été fusillés parce que les ordres du général en chef portaient de massacrer, fusiller et incendier tout ce qui se trouvait sur son passage, qu'il avait fait fusiller des municipalités entières, revêtues de leurs écharpes. Nous devons observer que la commune des Herbiers avait été entièrement purgée de tous les aristocrates et aux horreurs que nous avons décrites nous devons ajouter que les portefeuilles de tous les individus ont été pris, tous les volontaires allaient dans les métairies prendre des chevaux, moutons, volailles de toutes espèces[141]... »

Le 9 avril, Grignon disperse des petites bandes de rebelles et incendie Saint-Lambert-du-Lattay et Gonnord, puis il se replie sur Doué-la-Fontaine, il écrit à Turreau qu'il a « fait tuer quantité d'hommes et de femmes » [142]. Le 12 avril, l'adjudant-général Dusirat se plaint de Grignon à Turreau, écrivant que « Grignon a eu l'impudence de proclamer, à son arrivée, la défaite de six cents brigands qui, selon lui, m'avaient battu la veille, tandis qu'il était à plus de deux lieues de moi et qu'il est prouvé qu'il n'a tué que quelques femmes dans quelques villages, et qu'il n'a pas livré de combat[143]. »

Dans les premiers jours de la campagne, l'adjudant-général Lachenay, le second de Grignon, marche avec l'ensemble de la division. Le 25 janvier, la division se divise en deux colonnes ; celle de Lachenay marche sur Montigny. Le 26 janvier, Lachenay détruit Saint-André-sur-Sèvre et massacre ses habitants y compris les membres de la garde nationale. Puis il campe à Saint-Mesmin ; les événements dans cette commune sont connus grâce au témoignage du médecin patriote Barrion[145]. La garde nationale, malgré quelques velléité de résistance, est désarmée. Des pillages sont commis, un homme est assassiné et sa femme violée, puis deux gardes nationaux sont égorgés. Malgré tout, la situation reste globalement calme jusqu'à six heures du soir, heure à laquelle les soldats et les officiers de la colonne se livrent à une vague de viols[146]. Pendant la nuit, les patriotes de Saint-Mesmin apprennent que Lachenay a l'intention de faire massacrer tous les habitants de la commune à cinq heures du matin. Cependant, grâce à la complicité de certains soldats de la colonne, la plupart des habitants parviennent à s'enfuir, et seul un couple de personnes âgées et leur domestique sont sabrés. La colonne quitte alors la commune et gagne Pouzauges.

La colonne incendie Pouzauges le 28 janvier. Deux jours plus tard, un détachement de la colonne, commandé par l'adjudant-général Grammont, est signalé à La Meilleraie-Tillay. Les habitants, parmi lesquels se trouve bon nombre de patriotes, sont rassemblés dans l'église où ils sont fouillés et dépouillés de leurs richesses, puis les hommes sont conduits, un à un, dans le cimetière où ils sont fusillés ; 24 ou 25 sont tués, dont le prêtre constitutionnel[147],[148].

Le 31 janvier, la colonne gagne Le Boupère, dont la garde nationale a été désarmée par Grignon. Les administrateurs de la commune parviennent à convaincre Lachenay d'épargner la population[149]. La colonne se rend ensuite à Mouchamps où plusieurs habitants sont fusillés au château du parc Soubise, Pierre Mérit, alors âgé de 8 ans, en laisse un témoignage[Note 18],[150].

Le 21 janvier, la colonne, commandée par le général de brigade Jean-Pierre Boucret part de Cholet et arrive à La Tessoualle. Le lendemain elle commet des massacres contre la population d

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